En Intelligence économique, lorsque l’on aborde les précurseurs des époques précédentes, il est cité Charles Maurice de TALLEYRAND-PERIGORD comme « personnage historique particulièrement représentatif de l’IE « à la française » »[1]. Toujours dans la diplomatie, au XVIIe siècle, j’ai découvert un personnage dont la pensée et l’action sont proches de certains aspects de l’IE. Je veux faire référence à GIULIO MAZARINI, dit MAZARIN (1602-1661). Ses talents sont à mettre en parallèle avec le principe de notion de performance que l’on retrouve dans l’IE. La performance de Mazarin repose sur sa résistance à l’échec. Agissant dans les domaines des politiques extérieures puis intérieures, il a connu de nombreuses situations vouées à l’échec. Il vivait et avait pleinement pris conscience que son efficacité, tout comme celle des autres hommes, dépendait constamment du contexte; qu’il soit culturel, politique, économique, social, dans lequel l’homme développait son raisonnement et son action. Ce qui n’est pas sans rappelé le contexte dans lequel nait et se développe l’IE.
Aussi, par exemple, savons-nous que les conflits interindividuels, et Mazarin en a connu de nombreux lors de l’épisode de la Fronde, peuvent s’ancrer dans la culture. Conséquemment à ce postulat, il s’en découle que les réputations se forment et les acteurs peuvent se retrouver placés dans un système figé. Mazarin a dépassé ceci. Pour illustration, le 12 mai 1651, alors qu’il était en exil, il écrivait à la reine : « Il ne faut pas que Votre Majesté ait aucun scrupule à se raccommoder avec les gens qui lui ont fait du mal […]. La règle de votre conduite ne doit jamais être la passion de la haine ou de l’amour, mais l’intérêt et l’avantage de l’Etat. »[2] Ceci révèle aussi une grande habilité politique et encore un pouvoir de persuasion et d’influence...
Comprenant que la réalité est formée d’avers et de revers, il n’hésitait pas à prendre des risques et à aller au devant des échecs. Il avait tout à fait intégré que de l’autre côté du risque, il existe une opportunité. Toutefois, il n’exagérait pas cette position dans le risque. Cette position du personnage, alliée à un grand optimisme naturel et une pratique du pari, dans sa jeunesse, ne l’empêchait donc pas de saisir les opportunités.
Il acceptait les risques et les échecs. Il jouait des coups, prenait des risques, tout comme il le fit à Casal en 1630 (il a alors 28 ans) en surgissant entre les troupes françaises et Austro-Espagnoles qui avaient engagé le combat. Là il mit fin à la bataille et amena les généraux à se rencontrer afin de s’accorder sur un projet de traité de cessation des hostilités. Dans ce cas, la performance est évidente, ainsi que l’acceptation de l’échec car il eut tout de même à essuyer quelques coups de mousquets. Cette capacité à payer de sa personne et à résister à l’échec qu’aurait été sa mort démontre la capacité au rebond du personnage. Cela n’est pas sans rappeler l’un des objectifs du référentiel « Intelligence économique » visant au développement d’un esprit de résilience…
[1] D. Bruté de Rémur, ce que intelligence économique veut dire, Editions d’Organisation, 2006.
[2] Lettre à la reine, éd. Ravenel, 12 mai 1651.